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L'événement Parole

GENESE 18,1-15

Quand l’Appel résonne dans la vie d’Abraham et de Sarah


L’appel de Dieu traverse toute la Bible. Il s’inscrit dans la longue lignée de nos ancêtres dans la foi. L’appel invite à se mettre en chemin quelque soit notre aujourd’hui. Il a quelques caractéristiques qui peuvent nous permettre de le reconnaître :

Il nous met en mouvement vers la connaissance de  nous-mêmes, vers les autres, vers le Dieu de la Vie à chaque étape de notre vie - Il offre la possibilité de grandir en amour et liberté - Il nous invite à sortir de nos enfermements, à déployer toutes nos capacités au plus réel de notre vie - Il sollicite notre réponse : il nomme et nous interpelle - Il est créateur : il nous donne d’être et d’exister - Il se manifeste dans notre quotidien dans un événement qui devient Parole - Il ouvre à la joie sans déserter nos souffrances.


A ce moment de notre récit, Abraham a franchi bien des distances depuis qu’il s’est mis en route vers le pays de Canaan à l’écoute de son Appel : « Va vers toi-même » Gn 12,1.

Il revient en Canaan comme s’il faisait une sorte de pèlerinage. Il est à un moment décisif, à un carrefour de son chemin de vie. Il est appelé à faire mémoire, à laisser résonner son Appel fondateur dans la réalité de sa vie.

L’appel est toujours un appel à grandir qui met en mouvement et nous donne cette capacité d’envisager l’avenir, de faire mémoire pour chercher et trouver dans notre propre vie la parole originelle qui nous a mis au monde, celle qui nous appelle aujourd’hui encore à avancer sur ce sentier de vie, celle qui  nous donne de résister à tout ce qui pourrait nous tenir paralysé et nous fixer dans un passé à dépasser.


Abraham est assis à l’ouverture de sa tente, c’est l’heure de la sieste. C’est dans cette pause quotidienne que va avoir lieu une rencontre décisive. Est -ce que pour Abraham il ne s’agit pas de réveiller la vie, tout ce qui est encore en somnolence, en attente d’être vécu ?

Abraham lève les yeux. Lever le regard, c’est voir plus loin que l’immédiat, c’est voir au-delà, c’est faire confiance à ce qui est devant, c’est aller plus loin que la crainte – la peur qui pourraient nous retenir.

Maintenant il se tient debout devant eux, sous l’arbre. Etre debout, c’est élargir son cœur et sa pensée, s’ouvrir à un inattendu de la vie depuis un autre point de vue.


L’arrivée soudaine de ces voyageurs dans la banalité du repos du quotidien a quelque chose d’insolite et de surprenant. C’est ce côté inattendu de la visite de Dieu au cœur de notre vie.

La route nous réserve des surprises. Dieu nous attend là où nous ne l’attendions pas, au détour d’une rue, dans la parole de l’écriture ou dans celle d’un inconnu, dans l’action la plus engagée ou dans la contemplation, la conversation la plus banale ou le plus grand silence. Chaque jour il advient quelque chose à notre vie.

Il n’y a pas d’événement dans notre vie qui ne contienne, en germe, d’une manière ou d’une autre, un appel de ce Dieu de la Vie. Ces événements là sont des DaVar. C’est-à-dire des événements qui deviennent Parole à la lumière de la lecture - de la relecture pour y discerner un appel.

Marie-Thérèse Abgrall : « L’aventure spirituelle prend toute la vie, non un moment de l’existence. C’est chaque matin qu’il faut nous laisser déplacer, dépayser, mettre au monde., de nouveau sortir du lieu où nous sommes. Elle n’est pas pour un petit nombre d’initiés, d’amateurs de sensations fortes. Elle est pour l’homme du commun, vous et moi, si nous voulons. Loin d’être un exploit, elle emprunte le chemin banal d’hommes et de femmes de tous les jours. Elle fuit les pièges de l’imaginaire et du spectaculaire, et s’accomplit dans l’obscur du temps et de la durée. Elle est offerte à tous. Mais on ne le sait pas toujours. »


L’appel se manifeste au quotidien, il s’exerce au quotidien. Il nous fait sortir du même répétitif parce qu’il est créateur, parce qu’il est re-créateur et nous donne d’être et d’exister – que l’on peut appeler 1erappel ou commencement – qui est solide, ferme, debout, ouvert à la v(V)ie, et qui ne cesse de venir nous provoquer-convoquer, parfois nous déranger dans nos prévisions.

L’appel comme la décision d’y répondre se vivent non seulement pour les grandes choses, mais s’incarnent et s’exercent particulièrement et avant tout dans la manière d’être et de vivre notre propre réponse au plus près du quotidien.


Abraham a reçu son nom. Le nom pour les Hébreux porte en lui-même une force, il indique une vocation. Dans son nouveau nom Abraham il y a la lettre « h » qui représente le souffle. De même le nom de Sarah se termine par un « h ». Elle va passer de Saraï : ma princesse à Sarah : princesse.

Ce nom nouveau n’est pas la négation de l’ancien nom mais il sort le nom premier de ses limitations possibles, et en même temps il en révèle le sens, l’élargit et l’accomplit. Autrement dit, c’est le souffle créateur de l’Esprit qui restaure.

Abraham et Sarah n’ont toujours pas d’enfant, pas de descendance malgré la promesse qui leur a été faite. Ce manque a inscrit profondément en eux une empreinte en creux, un endroit qui attend quelqu’un ou quelque chose pour une nouvelle fécondité.

Depuis leurs premiers pas, promesse et stérilité vont de pair, comme si elles étaient liées. Comme si cette tension était un levier pour ouvrir en eux un accueil de l’inattendu. Ce serait alors une tension créatrice qui prépare la vie à venir.

On les voit avec leurs fragilités, leurs limites et leurs manques, mais aussi en contraste, avec leur disponibilité, leur désir de continuer leur chemin.


Et ce sont à ces moments là que Dieu choisit de faire sa visite comme un hôte. Il va les appeler à mettre en œuvre leur disponibilité, leur désir et leur liberté, à des choix.

Alors la promesse renouvelée les entraîne dans une autre histoire, elle déborde de ce qu’ils croyaient connaître, elle les appelle vers un devenir. Elle défie la nature et les lois naturelles de la vie et les ouvre à une fécondité nouvelle qu’ils n’attendaient plus.

C’est un appel qui ouvre des chemins étonnants et créatifs, qui respecte profondément notre liberté, nous pousse à descendre dans nos profondeurs, dans les lieux de nous-mêmes où la vie s’est arrêtée.

L’appel va venir les chercher dans leur nouveau nom et il va leur permettre d’aller plus à fond en déployant en eux des ressources insoupçonnées d’accueil de la Vie.

Lorsque Dieu appelle Abraham, Il l'appelle déjà âgé, sans descendance. Et lorsque Dieu s'adresse à Abram et à Saraï pour leur demander de quitter toutes les attaches avec le monde ancien, dans lequel ils étaient comme en exil intérieur, Il leur promet une descendance, mais d'une certaine manière, Il rencontre leur incrédulité.

Mais Dieu continue de les visiter. Sarah ne croit pas, et pourtant le Seigneur lui dit : "Dans un an, à pareille époque, je repasserai et tu auras un fils» au v.10.

Du milieu de l’incrédulité, parfois du découragement, l’appel  ouvre des possibles.


L’appel d'Abraham et de Sarah peut résonner dans l’aujourd’hui de nos propres vies. Parfois, nous regardons notre vie en disant : Dans cette vie trop marquée, trop éprouvée, trop blessée que peut-il renaître de nouveau ? Et pourtant, sans cesse, le Seigneur vient. Et mystérieusement, à travers toutes les épreuves qui peuvent marquer nos vies, il y a quelque chose comme une force qui nous est donnée, une Présence qui nous visite. Alors l’épreuve peut être convertie en source de vie qui ouvre à la joie d’être avec le Christ en tout ce que nous vivons.


« Où est Sarah ? » Comment va réagir Sarah à celui qui arrive de cette manière surprenante et qui pose des questions dérangeantes ?

Il apparaît de manière inattendue dans notre quotidien le plus banal, au moment où on s’y attend le moins, au moment où on fait la sieste, et il nous pose des questions étonnantes et embarrassantes.

Fr. Daniel Bourgeois : Immédiatement la question est posée : « Où est Sara ? », c’est-à-dire : « Qu’en est-il entre toi et elle ? Où en est-ce de la promesse et des projets qui pouvaient habiter votre cœur au moment où vous êtes partis ? » Ce couple est soudain visité par des hôtes qui posent immédiatement la question fondamentale pour Abraham « Au fond, tu t’es engagé dans une aventure mais qu’est-ce qui en est sorti ? Tu n’as pas d’enfant. Tu vas disparaître sans descendance. Ton héritage sera dilapidé. La promesse aura été vaine. Tu n’en auras rien recueilli ».


L’un des visiteurs annonce que Sarah aura un fils au temps du renouveau de l’année. L’annonce est faite comme si elle était nouvelle alors qu’elle est dite pour la troisième fois (Gn 15 et 17).

Le rire de Sarah est un écho du rire d’Abraham (Gn 17,17),C’est peut-être à cause de son désespoir si profond que Sarah se met à rire quand elle est cachée à l’ouverture de la tente.

C’est un rire devant l’impossible. Sarah raisonne avec des arguments de bon sens, tout est parfaitement logique. Simplement Dieu agit au-delà de cette logique. Sarah, la femme d’Abraham, est stérile et tous deux sont avancés en âge. Mais c’est le plein midi et la promesse d’un fils va se réaliser.

Le rire de Sarah trouve-t-il des échos dans notre propre parcours ? Quel vent de liberté, quelle Parole, vient chasser les doutes, vient défier quelles peurs, quelles habitudes, quels risques ?

Cette annonce appelle au jour celle qui est encore cachée par peur dans l’enveloppe de la tente, comme en sommeil.

En Hébreu dans le mot peur : Pahad il y a le mot piège, inscrit dans les premières lettres. Quel piège constitue la peur ? Celui de la laisser agir et prendre le dessus, celui de laisser le piège se refermer sur nous, de fuir, de nous barricader derrière des portes réelles ou imaginaires. Mais l’énergie de la peur, la poussée qu’elle libère en nous peut nous faire bouger, nous donner l’élan pour la traverser et la dépasser.


« Où est Sarah ? »C’est une à laquelle nous sommes tous confrontés pour devenir soi-même, pour nous réveiller, nous relever : Où en es-tu de ta vie aujourd’hui, à l’intérieur de toi-même, - pour quoi vivons-nous ?

Sarah est appelée à sortir au-dehors. Au lieu de demeurer enfermée, la voix l’appelle à sortir des replis de la tente où elle est cachée.

Sortir est un acte de courage, une décision qui libère de la peur et des cercles étroits de protection, c’est oser risquer notre liberté, s’ouvrir à une altérité, devenir co-créateur de notre propre vie, prendre appui sur nos valeurs : Elles expriment ce qui est vraiment « valable » pour nous. Ce sont des lignes de conduite qui déterminent nos « oui », nos « non », nos fuites, nos silences, nos refus.


Sarah sort de l’abri de sa tente et s’adresse directement au visiteur. Elle essaie encore de se cacher, cette fois-ci derrière un mensonge : « Je n’ai pas ri ». mais elle émerge dans une relation « Je-tu » : « Si tu as ri ».

Sarah est dans la tente, mais c’est comme si Dieu la tirait hors de l’ombre, en plein soleil. Elle prend conscience de son « je » renouvelé par l’appel de son nom. Elle existe avec plus d’intensité et de vérité. Elle va donner le jour.


Comme pour Abraham et Sarah, Dieu va nous visiter, et nous allons nous aussi entendre l’appel qui va résonner dans notre vie, en dialogue avec les événements qui touchent notre quotidien et la manière de le vivre.

Ce Dieu de la Vie est sans cesse présent dans notre vie. C’est un appel dans le quotidien qui peut avoir un impact et une prise de conscience bouleversants.


Pour faire le lien avec ma vie :

  • Comment je reviens à mes fondements, quels sont mes points d’appui, mes terres d’enracinement ? Quels sont les moments où je choisis de m’asseoir comme Abraham, où je peux faire mémoire de mes commencements, quels lieux dans ma vie sont des espaces ouverts à la présence de Dieu ?

  • Faire mien cet empressement d’Abraham à accueillir Dieu lorsqu’il vient le visiter. Lever mes yeux afin de voir plus loin que l’immédiat, me tenir debout, aller vers Celui qui vient à la rencontre : Comment les différentes attitudes d’Abraham me parlent ?

  • « Yahvé lui apparut aux chênes de Mambré » laisser résonner en moi cet événement au cœur du quotidien. Chaque événement dans notre vie quotidienne contient en germe d’une manière ou d’une autre, un Appel de ce Dieu de la Vie. Reconnaître quand Il vient, une force, une présence qui nous visite, ouvre des possibles, retourne nos représentations négatives, travaille pour un devenir. A quoi je peux reconnaître un Appel dans ma vie, à quel événement au cœur du quotidien ?

  • Faire mémoire pour chercher et trouver dans ma propre vie la Parole qui m’appelle aujourd’hui encore à avancer sur le sentier de la vie, à résister à tout ce qui pourrait me retenir et me fixer dans un passé appelé à être dépassé.

  • « Où est Sarah ? » Comment cette interpellation résonne en moi ? Entendre cet appel à entrer dans une quête profonde de vie et de sens, à être en dialogue avec ce Dieu de la Vie sans cesse présent dans notre vie.

  • « L’année prochaine au temps du renouveau, Sarah aura un fils ! » Me laisser rejoindre par ces mots de la promesse qui agrandissent l’espace de la tente. Entrer en dialogue avec cette Parole. Comment prend-elle sens dans mon histoire dans mon aujourd’hui ? Entendre cette annonce de fécondité qui appelle vers du nouveau, qui appelle à exister

  • Le rire de Sara trouve-t-il des échos dans mon propre parcours ? Quel souffle de liberté vient chasser les doutes, vient défier quelles peurs, quelles habitudes, vient appeler à quels risques?

  • Comment je réagis lorsqu’un appel de l’autre, de l’événement vient à moi ? Qu’est-ce que je mets en avant – comment je me laisse déplacer, voire déranger dans les prévisions ?

  • Sarah est appelée à sortir au-dehors. Sortir c’est oser risquer notre liberté, s’ouvrir à une altérité, devenir co-créateur de notre propre vie en réponse à l’Appel en prenant appui sur nos valeurs. Un appel à sortir de ce qui nous tient en retrait pour déployer nos capacités, pour exister dans l’accueil d’un nom porteur d’un nouveau souffle. Comment cet Appel à devenir me parle ?

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