Avance en eau profonde
LUC 5,1-11
Le contexte : C’est au bord du lac que Jésus donne presque tous ses enseignements, qu’il y fait de nombreuses guérisons et qu’il rejoint ses disciples après la résurrection. C’est là aussi qu’il appelle ses premiers disciples..
Les disciples, des pêcheurs habitués au travail de nuit, reviennent au petit matin les mains vides et voient Jésus, entouré de la foule, qui est en train d’enseigner. Jésus leur dit de retourner sur le lac et de jeter à nouveau leurs filets.
« Jésus monta dans la barque appartenant à Simon. Quitte le rivage et avance un peu… »
La barque est le lieu intermédiaire entre la terre et la mer, une rive et l’autre. Jésus y entre et y fait entrer uniquement les disciples. Comme si la mobilité, la traversée faisaient partie de leur identité.
Nathalie Becquart : « La symbolique de la barque nous dit combien l’identité de Jésus, Fils de Dieu, est une identité d’itinérance, une identité mystérieuse qui ne cesse de se dérober…La mobilité est ici la marque la plus importante du personnage de Jésus. Les disciples à son appel passent du statut de sédentaire à celui d’itinérants…D’un rôle social figé, pêcheurs comme leur père, à un style de vie qui s’invente dans le plein vent du monde.
Il y a une progression dans ce texte, il s’agit d’abord de faire un premier pas, et c’est déjà une décision de : laisser entrer Jésus dans la barque de notre vie, de quitter le rivage et d’avancer un peu.
Il peut y avoir des foules de choses qui nous retiennent fixés sur le rivage, des habitudes, des indécisions, des fonctionnements qui influencent nos comportements et qui risquent de nous freiner dans des projets, de nous faire aller à contre-courant de notre nature profonde. Ces croyances nous limitent car nous sommes beaucoup plus que cela.
Frédéric Lenoir : « L’éducation et la culture sont précieuses mais elles peuvent parfois nous empêcher de déployer notre sensibilité, nous faire dévier de notre vocation, ou de nos légitimes aspirations. C’est la raison pour laquelle nous devons parfois apprendre à devenir nous-mêmes par-delà les schémas culturels et éducatifs qui ont pu nous détourner de ce que nous sommes ».
C’est peut être ce qui nous retient et nous fait dire en nous-mêmes quand une invitation à quitter le rivage et à avancer un peu se fait entendre : c’est impossible je ne peux pas.
Autrement dit c’est l’occasion de voir les écueils, les bas-fonds, les vents contraires, ce qui nous fait survivre au lieu de vivre, afin de devenir ce que nous sommes, de quitter le rivage des certitudes, d’oser un pas de confiance, d’avancer un peu.
Comme Pierre, je peux laisser Jésus entrer dans la barque de ma vie. Pour faire le lien avec notre vie :
Je suis responsable de la barque de ma vie. Dans quelle barque, lieu de ma vie qui représente mon aujourd’hui, Jésus m’invite-t-il à le laisser entrer
En regardant le chemin de ma vie, quelle situation je me sens appelé(e) aujourd’hui à regarder de plus près
Dans quel lieu de ma vie Jésus m’invite-t-il à quitter un rivage, une certaine manière de voir, de faire. Quels sont les lieux d’indécision où ma barque est restée sur le rivage. Quel pas nouveau j’ose risquer pour « avancer un peu »
« Avance en eau profonde…lâche tes filets » : Pierre est devant un choix déterminant. Il doit passer de son savoir faire, à l’accueil de la Parole de Jésus qui l’appelle à avancer en eau profonde et à lâcher ses filets alors que la pêche a été infructueuse.
Lâcher les filets, c’est passer d’une forme de maîtrise à une attitude de lâcher prise.
Nous pouvons nous demander comment lâcher prise ou nommer ce à quoi nous nous agrippons, souvent sans nous en rendre compte et qui nous tient lié. C’est tout ce qui enferme, contraint, divise, isole, freine le mouvement de la vie.
Lâcher les filets, ce peut être de quitter des lieux qui ont été féconds pour une étape de vie mais où nous risquons de nous installer alors que nous sommes appelés à aller au large, à entrer dans un chemin de croissance et de vie où nous pourrons déployer le meilleur de nous-mêmes.
Pensons à ces bateaux dont parle Mannick : « qui naviguent jusqu’à leur dernier jour, qui jamais ne replient leurs ailes de géant parce qu’ils ont le cœur à taille d’océan ».
Il y a des obstacles qui nous retiennent dans un passé appelé à être dépassé pour ouvrir un nouveau chapitre de notre vie, pour « passer à un style de vie qui s’invente dans le plein vent du monde ».
La fin d’une étape, d’une situation, est souvent déclenchée par un événement extérieur, comme les âges de la vie, la retraite, un changement de lieu, professionnel. Cela peut être aussi des relations qui changent au niveau familial, une épreuve difficile mais qui fait venir à jour un avenir à inventer, au-delà de nos inquiétudes.
Pierre entend cet appel au lieu même de sa nuit et de sa pêche infructueuse. Jésus le rejoint là précisément au plus concret de sa vie où il peine. Pierre dit le manque, l’échec, la frustration : « Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre » Il est dans sa capacité personnelle de descendre en lui-même : Il n’est déjà plus replié sur sa propre expérience.
Il est vrai que l’expérience de la navigation offre un cadre privilégié pour se connaître. La mer nous redonne l’histoire de notre terre, elle-aussi exposée aux vents, aux tempêtes, aux mouvements des vagues, mais qui existe pleinement elle-même.
Pierre est devant un choix. Il va vivre en quelque sorte ce lâcher prise de ses certitudes, de ses techniques. Il passe de la maîtrise à la remise de lui-même. Il va laisser faire Jésus à travers lui. Il ne va pas se figer dans la résignation, mais il va se fonder et s’ancrer dans la confiance en la Parole de Jésus. Cette confiance est une véritable amarre dans sa vie.
Alors, après l’échec d’une nuit, c’est l’expérience d’une pêche miraculeuse. Car au moment où ils posent ce geste, c’est l’abondance. Cet appel se situe dans une expérience pascale de la fatigue et de la nuit traversée à cause de la Parole de Jésus pour passer de l’impossible au possible, pour accueillir l’inattendu d’un nouveau départ.
Sur quoi je peux m’appuyer : quelles sont les amarres qui me permettent d’accoster sur la terre de ma vie, comme mes ressources professionnelles, humaines, une P(p)arole qui m’a appelé à la vie particulièrement dans un moment difficile. Qu’est-ce qui dans ma vie symbolise l’amarre que l’amour du Christ nous tend en permanence. L’importance des amarres qui font que le bateau peut accoster au quai et être stable.
« Avance en eau profonde…lâche tes filets ». Comment j’entends cet appel. Sur quelle P(p)arole je peux fonder ma confiance pour croire au possible dans ce qui est apparemment impossible. Comment j’entends cette invitation de Jésus au cœur de mes fragilités et de mes épreuves.
Quels sont les filets qui me tiennent lié, et que Jésus me demande de lâcher : (raisonnements, préoccupations, certaines attitudes, iincertitudes face aux décisions...)
Quelle situation, apparemment stérile, je traverse ou j’ai traversée. De quelle abondance ai-je été témoin, dont je peux rendre grâce
Quelle est la manière habituelle avec laquelle Jésus vient à ma rencontre dans ma vie, particulièrement les moments où Il m’invite à aller vers le large, l’inconnu, l’espérance
« Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras » :
La peur nous provoque souvent car elle nous indique une nouvelle étape de croissance, une occasion de grandir en liberté intérieure. Derrière la peur que les courants ne nous entraînent trop loin et trop fort, se cache très souvent quelque chose qui essaie de venir à jour :
Jean Tauler : « Aucune angoisse ne monte en l’homme sans que Dieu ne prépare en lui une nouvelle naissance. Si Dieu met la maison sens dessus dessous, c’est pour trouver la drachme. Tout ce remue ménage sert à faire découvrir le trésor et à entrer dans la joie profonde ».
Quelle que soit l’étape que nous vivons, il y a un appel adressé à chacun de nous à faire grandir ce que nous portons de plus profond. L’appel ne cesse jamais de nous inviter à quitter notre port d’attache, à sortir de nos enfermements, à déployer nos voiles au large, pour devenir pleinement homme ou femme.
Michel Rondet « L’appel c’est choisir la manière la plus féconde, la plus heureuse de réaliser ta vie, compte tenu de ce que tu es, de ton passé, de ton histoire, des rencontres que tu as faites ».
C’est un appel qui tient compte de notre histoire et tout ce que nous sommes.
Pierre est appelé à partir de son savoir-faire : il est pêcheur de son métier et désormais il va devenir pêcheur d’hommes. Il va « passer d’un rôle social figé, pêcheur comme leurs pères à un style de vie qui s’invente dans le plein vent du monde ».
« Laissant tout, ils le suivirent » : Dans l’Evangile l’abondance est souvent le signe du départ. Il est temps de partir plus loin.
L’appel de Pierre s’inscrit typiquement dans le 1er temps du discernement selon Ignace de Loyola. C’est un temps qui apparaît comme simple, clair, évident. Pierre aura par la suite des combats, des hauts et des bas. Mais il pourra toujours revenir au temps de son Appel au bord du lac.
Le sens du mot « désormais » marque un tournant décisif, une promesse, un lendemain, une étape de vie vers un nouveau cap : « Je vous ferai devenir pêcheurs d’hommes ». Mc 1,17.
Marguerite Léna : « Il s’agit désormais de livrer notre liberté et notre agir au Saint Esprit, notre parole à sa Parole, sans regarder en arrière, sans prévoir ni maîtriser l’avenir. De s’offrir à l’inspiration divine comme la voile tendue s’offre aux surprises du vent. »
Naviguer ouvre un espace de liberté, c’est apprendre à choisir face aux conditions de la météo, à l’adaptation de la vie en mer, à l’entente au sein de l’équipage. Les paroles et les actes sont intimement liés. L’expérience des tempêtes surmontées, des manœuvres réussies où chacun trouve sa place, a tissé des liens précieux au fil des navigations et des équipages.
Autrement dit comment pouvons-nous ajuster nos choix pour avancer un peu, aller plus au large, pour nous rendre plus libre ? François Varillon : « L’homme est créé capable de devenir libre ».
Il y a des obstacles à la décision qui font qu’on reste à quai :
Nous sommes parfois dans une zone d’incertitude, nous sommes pris par un ensemble de désirs épars, nous hésitons et nous avons peur de prendre un risque.
Il peut y avoir en nous des forces de dispersion qui surgissent là où nous voulons avancer. Il y a des distractions qui nous font perdre de vue ce que nous avons décidé. Le risque est d’aller à la dérive, sans gouvernail, ni compas, balayé dans toutes les directions par ces diverses influences.
Jacques 1,6 : « celui qui hésite ressemble au flot de la mer que le vent soulève et agite »
Nous pouvons être indécis pour garder toutes les possibilités. Une première difficulté vient souvent du fait que nous voulons rester le plus longtemps possible en attente. Nous ne voulons nous fermer aucune voie, si bien que le choix est sans cesse repoussé.
Nous pouvons être indécis par refus de lâcher les attaches, de larguer les amarres.
Dans les Exercices spirituels, Ignace de Loyola décrit trois attitudes devant la décision :
L’attitude du 1er groupe d’hommes : « Il voudrait bien supprimer l’attache qu’il a au bien acquis…mais il n’en prend pas les moyens jusqu’à l’heure de la mort ». Le conditionnel est significatif « il voudrait bien… », mais il ne veut jamais. Paralysie de la volonté qui peut être de vivre au conditionnel. Il y a aussi la notation : « il ne prend pas les moyens… »
Il y a parfois aussi des déterminations qui pèsent sur nous. Nous pouvons restés collés à une décision parce que nous l’avons décidé à un moment donné et nous sommes plus soucieux d’observer les règles, de chercher des justifications à nos décisions que prêts à les remettre en cause. Même si elles ne sont plus adaptées aux situations et qu’elles ne correspondent plus à nos désirs. Il peut nous arriver aussi de repousser certaines de nos décisions que nous savons nécessaires parce que nous avons peur d’affronter les personnes à qui ces décisions risquent de déplaire.
Laurent Falque : « Un premier champ de ces déterminations qui pèsent sur nous est l’effet de gel compris comme une profonde tendance à adhérer à nos décisions au motif que nous les avons prises. Tendance qui souvent nous conduit à les instituer comme des règles ou des principes qui aveuglent nos actions. »
On ne peut pas toujours attendre, pour s’engager dans telle ou telle orientation, d’avoir toutes les certitudes. Naviguer, comme dans la vie, c’est avancer en tenant compte d’éléments divers que nous ne maîtrisons pas : des paramètres comme l’état du bateau, les richesses et les limites de l’équipage et de nous-mêmes. Il faut apprendre à se tenir debout malgré les mouvements continuels de la mer, discerner les écueils et les mauvais courants, maintenir le cap même lors de tempêtes quand le bateau tangue et se cabre.
Daniel Duigou : « L’homme ne peut se développer psychiquement, devenir vivant que dans la mesure où il prend le risque de quitter la position du tout-sécuritaire chère à l’homo economicus d’aujourd’hui, bardé d’assurances « tout risque » pour s’aventurer sur le chemin de la singularité. Vivre c’est aussi entrer dans la dynamique du temps, celle d’une histoire qui change et qui s’invente. Demain sera différent d’aujourd’hui si je le désire ».
Rester dans le floum, multiplier les hypothèses, vivre au conditionnel, adhérer à nos décisions, c’est prendre le risque de rester dans le statu quo, si bien que la vie, les évènements décident pour nous, par la force des choses et nous sommes alors acculés à décider. Et notre liberté est mise à mal.
Décider, c’est l’acte de notre liberté, qui nous fait sortir de cette indécision, à l’image de la Parole créatrice qui sépare dans le tohu-bohu originel (Gn 1). Notre liberté se construit progressivement, au fur et à mesure de notre réponse à travers les décisions que nous prenons. St Paul l’affirme dans la lettre aux Galates : « Vous, en effet, mes frères, vous avez été appelés à la liberté » (Ga 5,13).
Bien nous connaître est important pour prendre des décisions. C’est lié à notre tempérament (hésitant ou entreprenant, prudent, impulsif), à notre histoire, aux décisions que nous avons déjà prises et qui nous ont forgés et façonnés, à notre météo intérieure. Les jours de grand beau temps et les jours de tempête vécus à bord sont représentatifs des différents courants qui nous habitent.
Marie-Luce Brun : « Bien connaître ces courants qui nous habitent, bien se connaître est vital pour forger une décision qui pourra durer en prenant compte à la fois les courants dynamiques, des dérives et des résistances qui nous habitent.»
Notre chemin n’est pas tracé d’avance. A travers nos décisions quotidiennes petites ou grandes nous tissons la trame de nos vies. Nous nous construisons au jour le jour.
En prenant un temps de recul, en relisant notre chemin, nous voyons combien nos petites décisions sont révélatrices de ce qui nous habite profondément : « Quitte le rivage et avance un peu. ». Elles nous indiquent ce que nous cherchons vraiment et le sens que nous donnons à notre vie.
C’est tout l’art du discernement de la meilleure trajectoire en nous mettant à l’écoute des divers courants qui nous habitent et de ce que les événements nous disent : une rencontre, un empêchement imprévu, un obstacle, une nouvelle, peuvent changer le cours des choses.
Un skipper a dit un jour : « Sur la mer, je dois confronter mon objectif géographique avec les conditions de vent et de courant, trouver un équilibre entre ma volonté et les conditions extérieures à ma volonté. »
Dieu nous parle souvent par les événements. En Hébreu le même mot Davar signifie à la fois « parole » et « événement ».
Naviguer, c’est une école de vie, semblable à ce que nous vivons au quotidien quand nous devons poser des choix au milieu de tant d’événements qui nous arrivent et qui nous provoquent dans un monde en continuel changement, face à de multiples possibilités.
Le rythme accéléré de la vie donne l’impression que nous manquons de temps.
Nous sommes imprégnés par un langage et un mode de vie qui cherchent l’efficacité, le rendement. Nous commandons à coup de clics. Nous fixons des échéances, nous gérons le temps et les ressources au plus serré.
Et puis l’imprévu débarque, comme un orage brusque et surprenant en mer. Nos marées hautes et basses nous rappellent aussi que nous ne fonctionnons pas comme une machine bien huilée et programmée.
Des événements qui ne dépendent pas de notre volonté peuvent survenir. Nous sommes alors convoqués à inventer et innover, ancrés dans la confiance. Le voilier est symbole d’équilibre possible dans le déséquilibre, l’impermanence des flots.
Nathalie Becquart : « Entre réactivité et prise de recul nécessaire, disponibilité aux multiples sollicitations et priorisation, comment régler les voiles et barrer au plus fin ? La régate m’a appris qu’à trop forcer son bateau on risque la casse. »
Choisir c’est apprendre à ne pas répondre à toutes les sollicitations, à ne pas « forcer le bateau », à régler au mieux les voiles et avancer sans cogner dans la houle, « sans risquer la casse ».Il est sage alors de ne pas s’obstiner, ni de s’entêter.
Nous risquons dans la tension, dans la fatigue, une décision trop vite prise. Une décision hâtive, comme arrachée, une décision qui n’est pas la nôtre pleine et entière.
C’est déjà une décision de ne pas décider tout de suite dans l’instant. On a le droit de ne pas savoir dans un immédiat. En chaque situation nous avons un espace de liberté pour décider.
Viktor Frankl : « cette liberté n’est pas seulement notre droit en tant qu’êtres humains, c’est justement le fait d’exercer cette liberté qui fait de nous des êtres pleinement humains. On peut tout enlever à un homme, excepté une chose, la dernière des libertés humaines : celle de décider de sa conduite, quelles que soient les circonstances dans lesquelles il se trouve. Entre le stimulus et la réaction, il y a un espace. Dans cet espace résident notre possibilité de grandir et notre bonheur ».
Dans notre vie intense et dense, qui bouge au rythme serré des rendez-vous, réunions, voyages, le risque est de nous laisser accaparer par le tout venant, par un faire dans de multiples activités, parce qu’il faut être performant dans un monde qui va vite.
Et nous ne gardons plus du temps pour nous et pour prendre soin de nos choix. « Entrer dans la dynamique du temps, celle d’une histoire qui change et qui s’invente » Daniel D. : On dit souvent : je perds du temps, je gagne du temps. Or le temps est l’espace créatif de nos choix.
Ce verset en Michée 6,8 éclaire bien cela : « devrai-je offrir au Seigneur des milliers de béliers, des libations d’huile par torrents ?...On t’a fait savoir, homme, ce que le Seigneur réclame de toi : rien d’autre que d’accomplir la justice, d’aimer la bonté, et de marcher humblement avec ton Dieu ».
C’est savoir alléger le bateau de notre vie pour délester l’accessoire et sauver l’essentiel, pour se rendre plus libres. (Actes des Apôtres 27,9-44).
Pierre van Breemen écrit : « Ce qui compte ce n’est pas tant ce que nous faisons, mais pourquoi et comment nous le faisons. C’est cela qui fait de notre activité un lieu sacré où Dieu peut être présent, agissant, comme le maître d’œuvre. »
Le point d’écoute sur une voile de bateau : l’écoute du vent, de la direction, des courants, des bas fonds, qui nous permet de trouver notre position, de choisir notre trajectoire. Quand le vent vient de face et immobilise le bateau, l’importance de tirer des bords, d’ajuster nos voiles, de s’appuyer sur la force du vent pour continuer d’avancer en discernant la meilleure trajectoire (louvoyer). C’est l’écoute de qui nous sommes, de nos courants intérieurs, des événements, de la Parole biblique.
Pour s’éviter les déconvenues d’une décision qui ne serait pas la nôtre, il suffit parfois, avant de poser un acte, de s’arrêter un instant. Dans un monde qui bouge, il s’agit de trouver des repères pour notre vie. D’où l’importance de descendre dans les courants profonds qui nous habitent, de prendre un temps de pause au milieu du tourbillon des activités, sans être perturbé par les diverses sollicitations extérieures qui créent en nous des tensions. (les nœuds se défont difficilement quand ils sont sous haute tension).
Les arrêts au port sont nécessaires pour refaite le plein d’eau, de provisions, vérifier l’état des voiles, consulter la météo, préparer la suite de la navigation. Ces temps de pause permettent de faire le point, de relire le journal de bord, de faire mémoire des événements vécus seul ou en équipage sous le soleil, les averses, les tempêtes ou les calmes plats. Ils permettent de prendre du recul sur cette vie à toute vitesse.
Ils nous apprennent à barrer en repérant comment l’Esprit souffle et conduit par ses sillages qui laissent des traces de paix, de joie et d’amour. Alors nous pouvons voir le sillon profond au-delà des écarts de barre.
Pour cela il faut se poser, accoster, toucher terre, rejoindre notre port d’attache. Sénèque : « Il n’y a point de vent favorable pour qui ne sait en quel port se rendre. » puis, il faut descendre l’ancre.
Car si l’ancre n’est pas descendue ou mal posée, le bateau part à la dérive (DVD)
Les cartes maritimes, phares et balises, indiquent les dangers à éviter, les routes possibles. Mais seule la parole du skipper qui connaît le bateau et tous les éléments de la navigation, indique le bon cap à suivre.
Cela nous invite à un réflexe spirituel : soumettre à Dieu nos questions, nos projets, nos décisions. Et s’ancrer, comme Pierre, dans la confiance en sa Parole.
« Demain sera différent d’aujourd’hui si je le désire » : (Daniel Duigou)
Notre désir au profond de nous est capable de nous faire franchir les obstacles, les entraves - que sont les indécisions, les fonctionnements, les peurs, les dispersions, les décisions hâtives.
Ainsi nous pouvons nous poser la question : « est-ce que ce choix est le plus approprié à ma raison d’être, à mes valeurs, à mon désir profond ? »
Pour chaque petite décision nous pouvons puiser dans l’énergie vitale du désir. Avec l’intuition d’un sourcier, nous pouvons nous rapprocher de notre source secrète, le meilleur que Dieu a mis en nous-mêmes. « Il les mena jusqu’au port de leur désir. » Ps 107,30.
Même si nous avons l’impression que notre courant intérieur de vie qu’est notre désir profond est obstrué ou d’accès difficile, il est bien présent au fond de notre coeur. Il nous parvient à travers nos rêves, notre créativité, l’élan de vie, la joie profonde.
Certains désirs prennent de la consistance avec le temps, d’autres évoluent, se transforment.
Avance en eau profondeconduit à une réflexion sur la possibilité de réaliser ses rêves. Il suffit d’écouter tout au fond de soi, ce lieu où nous pouvons être pleinement nous-mêmes dans cette pêche toujours miraculeuse de la vie donnée en abondance :
Maud Fontenoy : « Croyez en votre rêve. Il faut que vous ayez un rêve au fond de votre cœur. Croyez fort en ce rêve. Ayez confiance en vous ! »
Est-ce que je peux reconnaître d’où partent mes décisions, à partir de quel niveau de mon être je vis : sur le rivage, en chemin vers moi-même ; à quel moment j’accoste sur la terre intérieure de ma vie. Quel est mon port d’attache
Quels moyens je me donne pour m’ajuster à qui je suis et à la vie de Dieu en moi, pour prendre soin de l’espace de mes choix, ces temps de pause pour mieux connaître les courants qui m’habitent et laisser place à ma créativité
Y a-t-il des événements, des situations dans ma vie que je reconnais comme un appel à faire un choix qui entraîne une orientation nouvelle. Quel choix, même petit, je peux poser dans le sens de la vie. Qu’est-ce qui empêche de me lancer. Quel moyen je me donne pour chercher, avancer vers une décision. Me souvenir d’une décision qui est source de vie, paix, espérance et joie encore aujourd’hui.
Quels moyens je prends pour tenir le cap dans ma vie. Est-ce que je peux reconnaître ces caps qui me questionnent sur le sens de ma vie, son orientation, qui m’invitent à faire de nouveaux choix, à prendre une décision, et à risquer un pas pour aller plus au large en ajustant ma trajectoire.
« Avance en eau profonde » Puis-je reconnaître dans mes expériences, des possibles, des pêches en abondance au plus profond de mon être. Laisser émerger des eaux profondes ce courant intérieur de vie en lien avec mon désir, quel est mon désir.